Invité : Marc Tassé, MBA, FCPA, FCA, FCG, conseiller stratégique auprès des PDG et des conseils d’administration
Rédigé par : Claudine Fyfe, présidente de Fynlam
Le risque réputationnel, danger souvent invisible, peut s’avérer dévastateur pour une entreprise. Contrairement aux risques légaux, financiers ou opérationnels, le risque réputationnel ne peut se quantifier. Il en résulte pourtant des conséquences aussi imprévisibles que durables. On peut compter jusqu’à 80 semaines — soit près de deux ans! — pour qu’une organisation se rétablisse d’un tel impact… si elle y parvient. Il existe toutefois des moyens de le prévenir…
Risques et responsabilités dans les chaînes d’approvisionnement
Les chaînes d’approvisionnement évoluent rapidement et deviennent de plus en plus complexes. Ces changements posent des défis de taille aux dirigeants, notamment quant à leurs devoirs fiduciaires, qui se déclinent en quatre volets : la prévention, la détection, l’information et la correction. Le non-respect de ces devoirs peut constituer une négligence grave et entraîner des poursuites judiciaires. D’ailleurs, la Loi sur l’esclavage moderne, entrée en vigueur au Canada le 1er janvier 2024, impose aux entreprises de nouvelles obligations de conformité éthique et sociale.
Le danger des perceptions
Le risque réputationnel repose en grande partie sur la perception. Une entreprise peut en être victime si l’on perçoit qu’elle pose des actions non alignées avec les valeurs qu’elle prône. Ce risque devient d’autant plus préoccupant dans l’univers des réseaux sociaux, où une simple information partagée peut déclencher une crise.
Ce danger guette tous les acteurs de la chaîne : fabricants, fournisseurs, sous-traitants et distributeurs. Même une entité sans lien contractuel direct avec l’entreprise peut présenter un risque, rendant la gestion du risque d’autant plus complexe.
Un exemple et ses conséquences
L’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, en 2013, illustre les impacts d’un manque de diligence dans le respect des normes de sécurité. Malgré des alertes, l’effondrement de l’immeuble qui abritait des ateliers textiles a tué et blessé des milliers de travailleurs. Cette catastrophe a eu des répercussions mondiales, notamment sur le renforcement des exigences quant à la responsabilité des entreprises vis-à-vis des normes de sécurité.
Ainsi, les entreprises canadiennes ont l’obligation de traiter leurs travailleurs et sous-traitants de manière éthique et de respecter rigoureusement les normes de sécurité. Une surveillance vigilante est nécessaire pour prévenir tout manquement qui pourrait porter atteinte à leur réputation.
Bonnes pratiques de gestion du risque réputationnel
Pour prévenir et bien gérer ce risque, on peut observer plusieurs bonnes pratiques.
- Alignement des attentes et des valeurs : Il faut négocier avec les fournisseurs en mettant de l’avant la qualité de l’approvisionnement et les projets à long terme plutôt que la simple réduction des coûts. On vise à travailler avec des partenaires qui partagent des valeurs et une éthique similaires.
- Respect des codes de conduite. On ne doit pas hésiter à imposer des codes d’éthique stricts à ses fournisseurs ni à effectuer régulièrement des audits pour s’assurer de leur conformité.
- Préqualification et surveillance en continu. Mieux vaut connaître précisément avec qui on fait affaire et instaurer un suivi régulier pour évaluer les pratiques de ses collaborateurs.
- Vigilance face à l’IA et aux données : Avec l’entrée en scène de l’intelligence artificielle, il devient essentiel de valider l’authenticité des informations échangées afin de préserver l’intégrité de l’entreprise et de ses partenaires.
- Transparence et mise en valeur des actions positives : Comme tout est une question de perception, il est important de promouvoir les initiatives positives de l’entreprise en matière de responsabilité sociale et environnementale.
- Vision à long terme : On doit tendre à prendre des décisions en fonction de leur impact à long terme sur la réputation de l’entreprise.
- Réactivité en situation de crise : En cas d’incident, le dirigeant doit porter l’entière responsabilité et agir rapidement pour corriger la situation au lieu de pointer du doigt d’autres personnes ou organisations.
Pour une gestion proactive du risque réputationnel
Marc Tassé propose des réflexions essentielles afin d’anticiper et gérer le risque réputationnel :
- Réfléchir collectivement à propos du « NOUS » :
- Remettons en question nos pratiques en matière de gouvernance, ici et à l’étranger.
- Suivons attentivement l’évolution de notre secteur et de nos compétiteurs pour anticiper les risques.
- Nous interroger sur le « POURQUOI » :
- Identifions ce qui rend notre entreprise unique et agissons pour différencier notre offre de celle de nos concurrents.
Le risque réputationnel est d’autant plus critique dans un contexte où les réseaux sociaux amplifient la visibilité des entreprises et de leurs actions. Une gestion proactive, une attention constante aux valeurs de l’entreprise et un alignement de la chaîne d’approvisionnement sur des principes éthiques peuvent protéger une entreprise de ce risque et préserver sa crédibilité.
Pour en savoir plus sur ce sujet passionnant, voyez ou écoutez cet épisode de nos balados!